jeudi 12 février 2015

Le prétendu communautarisme de la gauche: épouvantail démagogique de la droite. La laïcité à l'épreuve des faits!



Par Philippe Close, Karim Ibourki, Eric Mercenier, Jean Spinette et Jérémie Tojerow, élus et militants PS, anciens Présidents et Vice-Président du Cercle du Libre examen de l’ULB.
Publié dans l'Echo le 11 février 2015.

Depuis les attentats de Paris, il est de bon ton de faire le procès de la gauche, et en particulier du PS, pour son prétendu communautarisme qui l'amènerait à sacrifier les valeurs de la laïcité sur l'autel de l'électoralisme  à destination des citoyens belges de confession musulmane.
En politique, les faits ultimes sont les votes parlementaires, le choix des lois qui organisent la société.  En 26 ans de participation à des coalitions gouvernementales, quelle législation témoignant de ces graves dérives le PS aurait-il votée ou initiée sous la prétendue pression des « revendications » religieuses de son électorat arabo-musulman ?
A Molenbeek ou à Namur, quel dangereux règlement communal les nouvelles majorités en place (MR-Cdh-Ecolo) ont elles dû défaire, car frappé du sceau de cette infamie ?
Durant ces dernières décennies, le PS a porté au parlement tous les combats visant à émanciper l’individu de l’emprise des morales religieuses, en lui garantissant l’égalité et le droit de poser  librement ses choix de vie : de la loi sur la dépénalisation de l’avortement, au début des années nonante, jusqu’à l’extension de l’euthanasie pour les mineurs, début 2014.
Contrairement à certains partis confondant l'ouverture d'espaces de liberté dans la société et liberté de ne pas choisir au parlement, jamais le PS n’a fait de ces combats un engagement « à la carte » : il est en effet le seul parti francophone à avoir adopté toutes ces législations à l'unanimité.  Sans le PS, ces lois n'auraient pas vu le jour.
La loi dépénalisant l’avortement : adoptée à l’unanimité des parlementaires socialistes. Sept sénateurs libéraux s’y opposèrent.
La loi sur l’euthanasie : adoptée à l’unanimité des parlementaires PS. De nombreux élus MR votèrent "non". Et un, Alain Destexhe, s’abstint.
La loi sur le mariage pour les couples de même sexe : adoptée à l’unanimité des parlementaires PS. Au Sénat, 5 élus MR s’y opposèrent, et seul un (FDF…) vota pour. A la Chambre, vote partagé du MR, huit pour, huit contre.
La loi ouvrant le droit à l’adoption pour les couples de même sexe. Le vote fut très serré au Sénat : 34 voix pour, 33 contre, 2 absentions...Adoptée à l’unanimité des sénateurs PS. Tous les sénateurs MR optèrent pour le  « non » !
Au sein des députés MR, 5 voix pour, 2 absentions et 18 voix contre, parmi lesquelles le Premier ministre C. Michel, la Ministre M-C. Marghem, ou encore le Président du FDF O. Maingain. Au PS, 24 votèrent « oui » et on releva une abstention, celle d’un député qui quitta bientôt le PS.
La loi élargissant l’euthanasie à certains mineurs : adoptée à une encablure du scrutin du 25 mai par tous les parlementaires PS, dont Fatiha S., Ahmed L., Hassan B., ou encore Mohammed J. Au contraire par exemple des sénateurs MR Gérard D. ou Armand D.
Qu’il aurait pourtant été aisé d’autoriser, à l’instar du MR, le « vote à la carte» sur ces questions, permettant aux uns et aux autres de faire campagne avec un discours à géométrie variable selon les publics visés.
Suivant la consigne du chef de groupe MR à la Chambre d’alors : « elle (la faculté du « vote à la carte ») est intimement liée à la conception que l'on se fait de son propre degré d'autonomie, par rapport notamment à d'éventuelles transcendances, respectables, que chacun peut avoir. »
En l’espèce, cela aurait été faire œuvre de… communautarisme.
Le combat du PS pour l’adoption de ces législations laïques  a été mené parallèlement à celui contre le racisme et l’antisémitisme.
C’est un socialiste qui fut à l’initiative de la loi réprimant le racisme et l'antisémitisme, de même que de la loi réprimant le négationnisme du génocide des juifs. Comme il fallut attendre l’accession d’E. Di Rupo au 16 rue de Loi pour que l’Etat belge reconnaisse officiellement sa responsabilité dans la déportation des juifs de Belgique.
Autre engagement laïc fondamental du PS : l'égalité des femmes et des hommes.  Des ministres socialistes sont à l'origine de la création de l'Institut pour l'Egalité des femmes et des hommes, de la loi fédérale contre la discrimination entre les femmes et les hommes, des dispositions fédérales relatives au gendermainstreaming.
Concomitamment aussi, le PS s’est ouvert ces dernières décennies, plus que tout autre parti, aux citoyens belges d’origine arabo-musulmane: ministres, parlementaires, bourgmestre et échevins.
Mener tous ces combats de concert, c’est promouvoir la laïcité dans ce qu’elle a de plus authentique: rassembler des individus de diverses origines et identités culturelles autour d’un socle de droits et libertés, affranchi de toute contrainte religieuse.
Difficile dès lors de ne pas envisager dans l’usage récurrent des éléments de langage relatifs au prétendu communautarisme du PS le choix d’une stratégie politique bien précise, éculée et pourtant bien peu questionnée.
Les crimes de Paris, les perquisitions menées en Belgique et la crainte de nouveaux attentats ont décuplé les peurs, angoisses et questionnements légitimes d’une part importante de la population. Et exacerbé certaines fractures et clivages.
Dans ce contexte, accuser de dérives communautaristes le PS vise à signifier en réalité à certains segments de l’opinion en termes à peine voilés qu’il est le parti des musulmans ; le parti de l’étranger.
Cette stratégie de communication s’appuie bien entendu sur la force normative de « l’image » : contrastant avec celui du PS, le MR offre un visage désespérément monochrome, à l’instar par exemple de son groupe  de 20 députés à la Chambre ou de sa délégation de 7 ministres. Au passage, si un parti peine « à rassembler la diversité de la population belge autour de valeurs communes », ne serait-ce pas plutôt celui-là ?
Cette stratégie est peut-être intéressante sur le plan strictement électoral, mais une impasse mortifère certaine pour nos sociétés. La société belge restera riche et complexe de sa diversité.
Il est là le choix de l’angélisme et de la cécité: penser qu’attiser ces clivages  rendra notre société plus sûre, cohésive et soudée autour de valeurs partagées.
Face à ceux qui veulent exacerber les tensions, en jouant sur les peurs et ressentiments, le PS fait le choix du chemin le plus difficile, même en ces temps mouvementés, fidèle à ses valeurs et sa vocation.
Le choix de réduire les fractures, et de renforcer la cohésion sociale et citoyenne.
Le choix d’organiser la synthèse entre la lutte sans faiblesse contre le fanatisme religieux, le combat sans trembler contre le racisme  l’antisémitisme et l’islamophobie, la promotion de la laïcité, et l’extension des droits et libertés individuelles.