mardi 14 octobre 2014

Michel ne sera jamais le successeur de Janson, dernier Premier Ministre libéral francophone, mort à Buchenwald en 1944 (SUITE)



On prête à Camus la citation suivante : « mal nommer les choses, ajoute au malheur du monde ».


On pourrait ajouter que « ne pas les nommer du tout » est bien plus malheureux encore.

 

Derrière l’interview du nouveau Vice-Premier Ministre NVA, Jan Jambon, hier dans la Libre Belgique, et les réactions qui s’en sont suivies, c’est bien à une querelle de mots, donc de sens, à laquelle on assiste.

 

Après avoir parlé de « collaborateurs qui avaient leurs raisons » dans la Libre, Jambon a voulu rectifier le tir hier en cours de journée en parlant « d’erreur historique qu’on ne peut justifier ».

 

Après les appels de l’opposition au Premier Ministre Charles Michel à se distancer des propos de Jambon et le rappeler à l’ordre, celui-ci a parlé « d’erreur, voire de faute ».

 

Depuis, a surgi encore l’information sur Francken.  Et le silence du Premier Ministre au Parlement comme dans ses interviews.

 

Le malaise persiste. Pourquoi ?

 

Parce qu’on aurait attendu une condamnation nette, précise, sans ambigüité, de ce qu’a été la collaboration avec le régime nazi durant la guerre 40-45.

 

Bref, un travail de pédagogie démocratique.

 

Or jamais cette pédagogie n’est venue.

 

Et notre énorme crainte est que cela n’ait pas été une maladresse, mais le résultat d’un compromis politique sur les éléments de langage convenus entre les partenaires du gouvernement.

 

Dire que la collaboration est une erreur, voire une faute, ne dit pas CE QU’ÉTAIT LA COLLABORATION.

 

La collaboration à la construction du canal de Panama ? La collaboration entre la Chine et la Belgique pour la venue des Pandas ?

 

La collaboration à quoi ???? Si dur de le dire ????

 

Cette absence de caractérisation de la collaboration rend les « clarifications » littéralement glaçantes, et plus suspectes encore que les premiers propos de Jambon.

 

Pourquoi ne pas avoir dit, avant de parler d’erreur, que la collaboration, cela a été la participation à l’entreprise criminelle nazie ?

 

Entreprise criminelle qui a conduit systématiquement à la mort des enfants, femmes et hommes en raison de leur origine, et souvent également en raison de leur conviction politique, handicap ou orientation sexuelle.

 

Qu’il s’agit de la collaboration  un régime aux antipodes de nos valeurs, de nos libertés ?

 

Que c’est un régime criminel. Génocidaire. Totalitaire.

 

Que la collaboration, c’était participer à ces crimes, quelles que soient les motivations de ses acteurs ?

 

Que cela a été le soutien à un régime raciste, génocidaire, qui gouvernait par la terreur ?

 

Et qu’à ce titre, elle doit être condamnée sans ambiguïté ?

 

Etait-ce si dur de le dire ? C’est bien cela le plus inquiétant.

 

Le choix de ces mots de communicants, « erreur », « injustifiable », sans jamais dire ce qu’a été la collaboration,  est le plus glaçant de cet épisode.

 

On dirait l’évocation d’erreurs de jeunesse (« il était jeune, c’était une erreur, même une faute, mais soit, allons de l’avant ») par des parents.

 

Pas le discours de membres d’un gouvernement belge au 21ème siècle, qui intervient après que :

  • Le CEGES ait rendu son rapport sur la responsabilité de l’Etat belge dans la déportation des juifs de Belgique, à la demande du Sénat.
  • Le Premier Verhofstadt ait mis en place un processus de restitution des biens spoliés.
  • Le Premier Di Rupo ait présenté au nom de la Belgique, et sur base du rapport du CEGES, les excuses de l’Etat belge pour sa responsabilité dans la déportation des juifs.

 

Je n’ai aucun doute sur le fait que la majorité  des libéraux auraient souhaité entendre de telles paroles.

 

Je n’ai aucun mal à supposer non plus que Michel lui-même aurait voulu dire ce qu’a été la collaboration, et la condamner sans ambigüité.

 

Qu’il n’en a pas encore été capable, en tant que Premier Ministre, est une faute très lourde.

 

Il avait ses raisons j’imagine, lui aussi, comme dirait l’autre. Mais c’est « une faute historique ».

 

 

Et un aveu de faiblesse et/ou de cynisme terrible.

 

Une tache.

 

Goethe a dit que « le langage fabrique les gens bien plus que les gens ne fabriquent le langage ».

 

Votre langage n’a pas été à la hauteur, Monsieur le Premier Ministre.

 

Pas à la hauteur de l’histoire. Pas à la hauteur de la vérité.

 

Pas à la hauteur de Paul-Emile Janson, dernier Premier Ministre libéral francophone pour longtemps, assassiné en 1944 dans le camp  de Buchenwald, par le régime nazi et ses serviteurs.

 

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